La Tiamuline : une molécule qui rend bien des services en cuniculture

Article tiré du site de la FFC

http://www.ffc.asso.fr

Dr Samuel Boucher

Président délégué chargé des affaires sanitaires et scientifiques
de la Fédération Française de Cuniculiculture

Juge cunicole et caviacole officiel 

Introduction

La tiamuline est un antibiotique (substance qui empêche le développement ou détruit des bactéries) qui n’est pas utilisé en médecine humaine. C’est un avantage notable car il n’y a pas de risque de création de résistances des bactéries de l’Homme à cette molécule réservée à l’usage vétérinaire.

 

La molécule et son comportement dans l’organisme
 

Une fois ingéré, la tiamuline est très bien absorbée par le tube digestif (à plus de 90%). La molécule se répartit ensuite facilement dans les différents tissus. Sa structure moléculaire lui permet en effet d’être soluble dans les graisses et de ce fait, elle traverse très bien les membranes des cellules (elles aussi lipidiques). Elle présente donc une affinité marquée pour les poumons, les bronches, les articulations, le tube digestif, le foie, les reins et la mamelle. C’est surtout au niveau du foie que la tiamuline est dégradée avant d’être éliminée pour les deux tiers par la bile. Cependant, le rein (via l’urine) ou la mamelle (via le lait) permettent aussi l’élimination de la tiamuline. La molécule est bien éliminée et des tests ont montré qu’après administration d’une dose habituellement employée (0,5 ml/ litre d’eau de boisson de la spécialité commerciale), on ne retrouve pas de résidu d’antibiotique dans la viande au-delà de 4 jours. Les lapins sont donc consommables 4 jours après un traitement.
 

Comme tout antibiotique, en cas de surdosage, il peut y avoir un risque toxique. Pourtant, il est minime. Une toxicité aiguë n’apparaît chez le porc que si l’on administre cinq fois la dose et elle se manifeste par un excès de salivation. Chez le lapin, distribuée sur de longues périodes à dose normale, la tiamuline n’a pas révélé de toxicité chronique. C’est une molécule relativement sécurisante.


En outre, on peut l’associer avec quelques autres substances telle que l’oxytétracycline, ce qui augmente son activité (élargit le spectre d’activité antimicrobienne et agit en synergie sur différentes bactéries responsables d’infections respiratoires). Ces associations permettent d’avoir la même efficacité en administrant un peu moins d’antibiotique. Ce n’est pas négligeable, ni financièrement, ni pour tenir compte de l’environnement. Bien que certains auteurs le disent possible à faible dose, on évitera les associations avec des ionophores, malgré tout peu employés en cuniculture.


La tiamuline agit sur les mycoplasmes (il a été démontré que ces bactéries provoquaient des pneumonies chez le lapin et favorisaient le développement de pasteurelles, agents responsables des coryzas), sur Clostridium (responsable de météorisation), sur Pasteurella multocida (responsable de pasteurelloses), sur Staphylococcus (responsable de maladies de peau) et sur Bordetella (qui abîme les sinus).


La tiamuline, employée correctement, peut donc rendre bien des services en cuniculture.

 

Son utilisation dans le traitement de l’Entérocolite Epizootique du Lapin (EEL) 
 

Depuis 1996 en France, l’Entérocolite Epizootique du Lapin (EEL). Les pertes de production liées à cette maladie ont été estimées autour de 25 à 30%. Toutes les souches ou races de lapins sont touchées.

 

On a parlé de piste toxique, de virus, de bactérie mais à l’heure actuelle, un agent causal unique n’est toujours pas trouvé. Cependant, lors des dernières Journées de la Recherche Cunicole à Paris, en novembre 2003, plusieurs auteurs ont mis en évidence la présence et le rôle de différents Clostridium dans le syndrome EEL. Il semble donc avéré que - même si ce n’est peut-être pas l’agent primaire -, le Clostridium complique la maladie. Sa destruction associée à quelques pratiques simples d’élevage (mise à jeûn puis rationnement notamment, absence d’humidité) permet donc au lapin de mieux lutter contre cette maladie.
 


Les signes cliniques sur les lapins en croissance sont : arrêt de consommation, sous-consommation d’eau, ballonnement, constipation, signes de douleur (prostration, coliques, lapins mordant la cage), mydriase bilatérale (pupille dilatée), bradycardie (ralentissement des battements cardiaques), parfois sécheresse des muqueuses (œil vitreux), déficit proprioceptif.


On note parfois une sous-consommation d’aliment 2 à 3 jours avant l’apparition d’une diarrhée liquide peu abondante. La présence de mucus est signalée pour 10% de lapins autopsiés. Un ballonnement de l’abdomen est aussi observé ainsi qu’une forte augmentation de la mortalité des lapereaux en engraissement.


L’EEL touche aussi le cheptel reproducteur et les animaux non sevrés.


Ces signes cliniques sont accompagnés d’une chute de la croissance à mettre en relation avec l’anorexie précédant l’épisode clinique et la mauvaise digestion lors de la phase « maladie ».


Une description précise des lésions rencontrées sur des animaux atteints d’entérocolite a été faite dès l’apparition de la maladie en 1996. Ces lésions concernent principalement le tube digestif :

- L’estomac est dilaté avec un contenu très liquide. Cette lésion est rencontrée de manière constante.  

- Au niveau de l’intestin grêle, le contenu est le plus souvent liquide mais la présence de gaz est aussi notée et explique l’aspect fortement dilaté de certaines portions de l’intestin.

- Le contenu du caecum est toujours anormal mais est très variable : il peut être liquide, sec ou hétérogène avec une partie liquide en partie proximale et une autre partie dilatée par la présence de gaz.

- Le colon présente toujours, lui aussi, un aspect anormal ; il peut être vide, rempli d’un contenu liquide ou fortement dilaté par la présence de mucus.


L’une des caractéristiques du syndrome entérocolite est l’absence de lésions inflammatoires sur les parois digestives, et sur les autres organes en l’absence de surinfection. On notera donc que le terme d’ "entérocolite" qui signifie inflammation de l’intestin et du colon est fort mal choisi.

 

En l’absence d’étiologie connue,  le diagnostique de l’EEL reste principalement visuel et se fonde sur des signes extérieurs comme le ballonnement et sur les lésions nécropsiques liées à une mortalité forte.


La tiamuline est la première molécule – et aujourd’hui la seule en France - à avoir reçu une AMM (Autorisation de Mise sur le Marché) pour l’indication de l’EEL chez le lapin. Cette autorisation est donnée pour l’incorporation du médicament à l’aliment. Il est difficile de se procurer un tel aliment, à moins d’être professionnel. Il existe également une autre molécule : la bacitracine qui a une Autorisation Temporaire d’Utilisation (ATU) et a une action sur l’EEL mais elle ne peut être délivrée que si le vétérinaire a l’accord de l’Agence du Médicament et dans certaines conditions d’emploi et de prescription ce qui ne rend pas son accès très aisé lorsqu’on a quelques lapins et qu’on est loin des régions d’élevage. Pour nos petits élevages, nous pouvons utiliser la spécialité liquide à base de tiamuline à mélanger à l’eau de boisson. Elle vient de sortir en petit conditionnement ce qui la rend accessible à nos élevages qui abritent un nombre restreint de lapins. Ce conditionnement permet même, pourquoi pas, un traitement individuel.


 

 

Son utilisation dans le traitement de la staphylococcie
 

La staphylococcie s’exprime essentiellement sous la forme d’une maladie de peau. Le lapin héberge naturellement des staphylocoques sur la peau et ceux-ci peuvent envahir l’animal ou provoquer un abcès après introduction dans une plaie, si minime soit-elle. Les lapereaux encore dans les nids s’infectent donc facilement au contact de leur mère qui les griffe parfois en venant les allaiter. Un des signes fréquent de cette maladie est ce qu’on appelle les « maux de pattes » très connus chez le lapin Rex ou certains lapins élevés sur grillage. A la faveur d’une petite coupure sous les pattes, le staphylocoque se développe et provoque une réelle nécrose plantaire ou palmaire.


La staphylococcie est une maladie fréquente qui s’exprime de la manière suivante :

·      180 ou 200 % de renouvellement sur les femelles (mortalité, palpations négatives, mauvais allaitement des jeunes)

·      fatigue et maigreur

·      maux de patte

·       mammites 

 ·     abcès

·        mortalité dans les nids


Le diagnostic de la staphylococcie est avant tout clinique (observation des lésions et des signes cliniques) mais il doit être complété par un examen bactériologique qui permettra l’isolement de Staphylococcus aureus et fournira un antibiogramme éventuellement.


Dans la prévention des staphylococcies, l’hygiène générale est importante. Il faut insister sur l’absence d’humidité, la désinfection des cages, le renouvellement des litières. Le choix des animaux élevés est également important. Ainsi, il a été démontré que les souches que l’on veut élever sur grillage doivent être fortement pourvues de poils sous les pattes. Le Néo-zélandais, le Californien se prêtent bien à cet élevage là tout comme les lapins de souches commerciales actuelles. Cependant, s’il est sain, sur les sols grillagés actuels très bien conçus avec un repose pattes en complément, toutes les races peuvent être élevées sans problème de nécrose plantaire. Des professionnels arrivent même à élever des centaines de lapins rex sans la moindre problème sur grillage.


En cas de contamination, il est possible d’essayer de renforcer l’immunité par l’injection d’un autovaccin (on fabrique un vaccin à partir des staphylocoques isolés de votre élevage) mais pour soigner, il est souvent nécessaire de passer par un antibiotique adéquat. La tiamuline en fait partie. Elle diffuse assez bien jusque sur la peau.


On l’administre dans l’eau de boisson durant 7 jours et on en profite pour faire des soins locaux (spray désinfectant sur les plaies), et éliminer les facteurs favorisants (assèchement des litières, désinfection des nids par une poudre antiseptique…). Il est parfois nécessaire de recommencer un traitement quelques jours plus tard.

 

Son utilisation dans le traitement des maladies respiratoires
 

Actuellement, le coryza est connu pour être une des maladies les plus rencontrées en élevage de lapins de concours. Une récente enquête réalisée dans des expositions a mis en évidence le portage de pasteurelles sur au moins un lapin sur deux. Cela ne veut pas dire qu’il tombera malade mais il en a la possibilité.


Les maladies respiratoires du lapin sont dues à trois bactéries principalement. La pasteurelle est la plus connue. S’y ajoute la bordetelle (Bordetella bronchiseptica) qui vit dans les sinus et les « ronge » et mycoplasma qui vit dans le poumon, l’abîme et favorise ainsi le développement de la pasteurelle. Le lapin étant porteur sain de certaines pasteurelles, il a été nécessaire de mettre au point un test de laboratoire capable de détecter si la pasteurelle est dangereuse ou non pour l’animal. Ainsi, on distingue les pasteurelles ODC + qui sont pathogènes des pasteurelles ODC- qui le sont peu. Tout laboratoire est capable en principe de vous le signaler.


Mais lorsqu’on parle de pasteurellose, il faut aussi évoquer les autres formes de la maladie, la forme respiratoire n’étant qu’une composante de cette entité. En effet, les pasteurelloses peuvent provoquer des abcès sur la peau ou sur les organes vitaux tels que le foie, la rate ou les reins, des métrites, ou des troubles nerveux (dits « torticolis » car le lapin a la tête tournée).


Un traitement intéressant doit donc à la fois inactiver ou tuer la bactérie et diffuser partout dans l’organisme. Il faut aussi qu’il soit actif sur les mycoplasmes et les bordetelles. C’est le cas là encore de la tiamuline.


On fera réaliser un antibiogramme sur la pasteurelle avant de procéder au traitement car certaines pasteurelles sont devenues résistantes à cette molécule. Afin de bénéficier de la synergie des antibiotiques, on pourra aussi associer la tiamuline et l’oxytétracycline. Dans tous les cas, il faudra éliminer les facteurs favorisant l’apparition de la maladie (mauvaises ventilations, courants d’air, renouvellement d’air insuffisant, humidité ambiante …).

 Conclusion 
 
 

La tiamuline est donc une molécule qui peut rendre de multiples services en cuniculture. Bien employée (sur les bonnes maladies et en respectant les prescriptions), elle fait partie des antibiotiques qui aident à combattre les maladies bactériennes dans les élevages. Désormais disponible en petit conditionnement, les traitements utilisés par les professionnels sont mis à la portée des éleveurs amateurs.

 

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